Homélie de S.E. Vincent Dollmann

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Mercredi 9e semaine / saint Justin                                 1er juin 2016

 

« Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants ». Jésus vient confirmer le chemin spirituel opéré par une grande partie du Peuple, notamment par les Pharisiens, qui proclamaient la foi en la résurrection des morts. Mais Jésus ira plus loin et manifestera à travers sa mort et sa propre  résurrection que Dieu veut communiquer sa vie aux hommes, dès ici-bas, une vie d’amour.

C’est le coeur de l’Evangile que les apôtres et leurs successeurs ont à annoncer et à servir. S’adressant à Timothée, un de ses collaborateurs les plus chers devenu évêque d’Ephèse, Paul le renvoie au don reçu à son ordination : « ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de raison ». Timothée est en quelque sorte invité à se renouveler dans le don de la charité pastorale.

 

Le don de la charité n’est naturellement pas réservé aux personnes ordonnées, il a été versé une première fois dans nos coeurs au baptême. Il est pour tout chrétien le principe de sa sanctification, le moteur pour avancer sur la route de la sainteté.

Pour le prêtre, la charité se caractérisera comme don de soi en vue de l’édification du Corps du Christ. Elle est appelée pastorale  parce qu’elle est ancrée dans la charité du Christ Bon Pasteur qui a donné sa vie pour les hommes.

En effet, à l’ordination, l’union intime et personnelle avec le Christ Tête et Pasteur est opérée par le Saint-Esprit, l’Esprit d’Amour, qui transforme notre être en être de service.

 

Etre serviteur, c’est là notre identité et notre dignité, car elles sont celles du Christ. Lui le Maître et Seigneur a réalisé sa mission et exercé son autorité dans l’esprit de service jusqu’au don total de sa vie.

La charité pastorale va marquer ainsi toutes les dimensions de la vie du prêtre, elle est le principe de l’unité de vie du prêtre. Elle va imprégner la prière comme tous les actes du ministère. On peut relire le choix des Douze dans ce sens : l’évangéliste saint Marc écrit : « Jésus institua Douze pour être ses compagnons et les envoyer prêcher » (Mc 3,13). L’évangéliste ne décrit pas deux étapes distinctes, mais un même mouvement qui manifeste l’identité nouvelle des disciples, celle de serviteur.

Si l’ordination forme ce cœur de serviteur, ce n’est pas pour soi, mais en vue du service. L’être serviteur doit devenir un être pour servir, pour ouvrir les cœurs à la vie de ressuscité et la faire grandir.

Durant son voyage à Séoul en 1989, le Pape Jean-Paul II disait ainsi aux évêques et aux prêtres : « La charité pastorale détermine notre façon de penser et d’agir, notre mode de relation avec les gens ».

 

La charité pastorale garde le prêtre dans l’union au Christ ressuscité, totalement, toujours et pour tous. Ces trois dimensions constituent des repères pour vérifier notre fidélité à notre ordination.

 

Vivre du Christ totalement demande de grandir dans la conviction que le Christ s’intéresse à toutes les dimensions de ma vie, qu’il me veut tout entier à son service. Une des tentations du prêtre est de séparer ministère et vie privée. Les temps de repos et de détente sont légitimes, mais ils doivent être un ressourcement en vue du ministère. Un discernement s’impose pour qu’ils soient en harmonie avec notre état de vie. Il est bon de se poser de temps à autre la question : suis-je disposer à laisser le Christ me rejoindre dans toutes les dimensions de mon existence ? Quels sont les moyens que je prends ?

 

Chercher à vivre du Christ toujours, interroge notre capacité à durer dans un engagement, dans une décision. Cela est possible en affermissant notre confiance dans la fidélité du Christ et en revenant sans cesse vers lui pour commencer toujours à nouveau à nous laisser relever, guider par Lui. Pour cela, la fréquentation assidue des sacrements de l’eucharistie et du pardon est vitale.

 

Et enfin, chercher à vivre du Christ pour tous, interroge notre capacité de relation et d’ouverture dans le quotidien. Je peux en effet apprendre à m’ouvrir à tout homme et à les aimer, en vivant une vraie attention à ceux que le Christ me donne dans la communauté et dans les différents lieux où il m’a placé. D’ailleurs, l’incardination pour le prêtre diocésain est une manière concrète de vivre l’universalité : il est appelé à entrer dans l’histoire et la vie d’un diocèse pour permettre au Christ de travailler les cœurs et de les élargir à la dimension de sa propre charité universelle.

Un petit exercice peut nous aider à vérifier l’universalité de notre charité : Puis-je nommer une qualité chez les confrères et les proches collaborateurs ? Et ai-je l’habitude de les mettre en valeur ? Cela pourrait être l’objet d’une belle action de grâce, lors de notre prochaine prière personnelle.

 

Qu’y-a-t-il de plus exaltant que de témoigner du Dieu des vivants par la charité du Christ Bon Pasteur ? Par une vie donnée au Christ, totalement, toujours et pour tous les hommes ?

Mais qu’y-a-t-il de plus exigeant ?

L’Eglise fait aujourd’hui mémoire de saint Justin, philosophe et apologète, mort martyr autour de l’an 165, ici à Rome.

Face au préfet Rusticus, Justin n’hésita pas à affirmer : « Je suis chrétien. Jésus est mon Maitre et mon Sauveur ». A son exemple, nous pouvons puiser le courage pour servir fidèlement la vie et la charité du Christ.

En communion de prière avec saint Justin dans cette eucharistie, sacrement de la charité du Christ, nous pouvons répondre humblement à l’invitation de la liturgie d’ordination : « Imitez ce que vous accomplissez ». Manifestez votre dignité de serviteur de la vie et de la charité du Christ Ressuscité !

 

+ Vincent DOLLMANN